Un nouvel élan pour le train en France
Au cours de l’année 2023, le gouvernement français a annoncé un plan d’investissement de 100 G€ sur 16 ans pour améliorer les infrastructures ferroviaires du pays, avec le renforcement des transports du quotidien et la décarbonation comme orientations majeures. Entre développement économique et transition écologique, le train apparaît comme le mode de transport à privilégier pour assurer la libre circulation des personnes et des biens, l’un des principes fondateurs de l’Union européenne, et tenir les objectifs très ambitieux de réduction de l’impact carbone de la mobilité.
Responsables du développement de l’activité ferroviaire au sein d’Artelia, Massimo Angelini et Ivan Rascle nous présentent ce plan rail et la démarche du Groupe pour répondre aux besoins croissants de la filière française du rail.
En quoi consiste ce plan d’investissement français dans les infrastructures ferroviaires ?
Massimo Angelini
C’est un plan annoncé par la Première ministre française en février 2023, principalement axé sur la mobilité de proximité. Il vise en priorité à faciliter les déplacements du quotidien même s’il participe aussi au financement aussi de « nouvelles lignes ».
Ivan Rascle
Il porte sur de nombreux domaines qui intéressent directement l’avenir du ferroviaire en France. L’enveloppe de 100 G€ rassemble des financements issus de l’Europe, de l’État français, des collectivités locales, de la SNCF… Ce plan couvre à la fois la création de « lignes nouvelles » (Bordeaux-Toulouse, Montpellier-Perpignan, Côte d’Azur, Roissy-Picardie), la régénération du réseau existant et des opérations de modernisation et de développement ciblées.
Est-ce qu’il s’inscrit dans un mouvement plus large de développement européen du transport par rail, notamment à des fins de décarbonation de la mobilité ?
Massimo Angelini
Au moment de la pandémie de Covid-19, le Conseil européen a lancé un grand plan de relance de 750 milliards d’euros pour soutenir l’économie des pays membres. Ce financement est en partie destiné à être investi dans les infrastructures et doit faciliter la transition écologique. Les infrastructures de transport ferroviaires cochent plusieurs cases de cette feuille de route. Elles ont grand besoin de financement pour assurer leur régénération, leur modernisation et leur développement. Ces investissements dans le rail génèrent une activité importante, indispensable au bon fonctionnement économique des nations. Et le rail offre un mode de transport collectif faiblement émetteur de carbone, par rapport à la route et aux véhicules thermiques individuels.
Ivan Rascle
La volonté européenne de développer le rail est ancienne, l’idée étant de créer des corridors interopérables entre les différents pays européens. Le projet de tunnel et de voie ferroviaire Lyon-Turin fait ainsi partie des projets soutenus depuis plusieurs années par l’Union européenne. Dans le même temps, chaque pays, dont la France, a ses propres programmes de maintenance et de développement. Avec ce nouveau plan d’investissement français, le message du gouvernement revient à dire « nous montons d’un cran nos ambitions en matière de transport ferroviaire ». Une partie du réseau a vieilli et doit être régénérée, de nouvelles voies doivent être ouvertes pour être en mesure d’accueillir plus de voyageurs et proposer une alternative solide à la route. Et divers développements doivent être menés, par exemple pour mettre la signalisation aux standards européens ou encore pour anticiper les impacts du changement climatique sur l’infrastructure ferroviaire.
Comment se traduit l’engagement d’Artelia au sein de la filière ferroviaire ?
Ivan Rascle
L’un de nos engagements majeurs en tant qu’ingénierie, et l’une de nos missions à Massimo et moi, est de faire monter en compétences Artelia pour pouvoir répondre à une demande de plus en plus importante, alors même qu’il y a un déficit d’ingénieurs. Si nous voulons collectivement relever le défi qui nous attend, c’est-à-dire améliorer le réseau ferroviaire français, il faut agrandir le vivier d’ingénieurs capables de travailler sur ces sujets. C’est la seule solution pour transformer en actions concrètes les investissements actuels alloués à la filière.
Massimo Angelini
Nous disposons déjà au sein du Groupe de près de 500 collaborateurs qui travaillent sur ces sujets et plus d’une centaine qui s’y consacre entièrement. Artelia est monté en puissance ces dernières années dans le domaine du transport. Nous avons ainsi pu créer deux départements complémentaires dédiés aux sujets ferroviaires. Celui que dirige Ivan est spécialisé dans les études amont, les missions de conseil et d’assistance à maître d’ouvrage. Celui que je dirige s’occupe principalement de maîtrise d’œuvre technique et de pilotage de projet. Nous souhaitons poursuivre notre action de développement et devenir un acteur incontournable des projets ferroviaires en France.
Sur quels types d’opérations intervenez-vous ?
Ivan Rascle
Nous intervenons sur l’ensemble des sujets traités par le plan d’investissement de 100 G€. Nous contribuons par exemple au projet de ligne nouvelle Provence-Alpes-Côte d’Azur qui vise la création de trois RER métropolitains – désormais dénommés Services express régionaux métropolitains (SERM) – autour des villes de Marseille, Toulon et Nice. Le projet vient d’être déclaré d’utilité publique et les dossiers que nous avons élaborés pour préparer cette étape majeure du projet ont été salués par les autorités auxquelles le dossier a été soumis. Nous sommes aussi engagés dans le projet de ligne nouvelle Paris-Normandie dont les études préalables à l’enquête publique sont en cours.
Massimo Angelini
Nous assurons une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour le projet de tunnel euralpin Lyon Turin (TELT). C’est actuellement le plus important projet ferroviaire européen. Nous accompagnons le client sur les parties règlementaires et environnementales du côté français et italien. Nous avons contribué au contrôle des études et à la production des dossiers de consultation des entreprises. Le projet est actuellement en phase de réalisation pour les travaux de creusement du tunnel et de génie civil et au stade de la consultation des entreprises pour les travaux des systèmes ferroviaires.
Nous sommes également engagés dans des projets de régénération et de modernisation. Nous réalisons une mission de maîtrise d’œuvre pour la ligne Périgueux-Brives. C’est un cas typique d’intervention pour contrecarrer le vieillissement d’infrastructure qui est source de ralentissements et de problèmes d’exploitation. Il faut remettre à niveau la ligne pour rétablir le service nominal. Nous intervenons aussi sur d’autres projets de régénération, notamment sur la ligne Aix-en-Provence-Briançon (étoile ferroviaire de Veynes). Nous participons dans le même temps à la réhabilitation de gares (ligne Toulouse-Auch) et de sites de maintenance et de remisage (atelier de Montigny les Metz). Si nous voulons conforter le réseau ferroviaire, tous ces investissements sont essentiels, et l’État et SNCF Réseau ont absolument besoin d’ingénieries performantes pour les accompagner.
Ivan Rascle
Il y a aussi des projets de développements qui concernent l’exploitation ferroviaire et le matériel roulant. Par exemple, nous accompagnons la région Pays de la Loire pour l’aider à définir sa stratégie concernant le matériel roulant qu’elle va récupérer et ses options de renouvellement. Nous avons ainsi cherché la meilleure solution pour décarboner les trains de l’étoile ferroviaire du Mans, fonctionnant encore au diesel. Plusieurs possibilités ont été étudiées (électrification de ligne, traction électrique avec batterie, hydrogène…). En marge du réseau de transport national, nos équipes travaillent aussi sur la modernisation et l’extension d’infrastructures ferroviaires de sites portuaires. Nous nous intéressons aux ports français : Marseille-Fos, Le Havre, Dunkerque, La Rochelle notamment.
Et concernant l’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires régionaux qui constitue l’une des évolutions importantes de l’exploitation du réseau ?
Ivan Rascle
Cela fait partie des grandes évolutions à venir. Cette mise en concurrence est l’occasion de voir comment nous pouvons rendre le transport ferroviaire régional plus efficace, moins cher, plus en phase avec les attentes des régions. À notre niveau, c’est un énorme travail d’accompagnement des régions qui porte sur de très nombreux sujets. Il aboutit à des contrats beaucoup plus précis et exigeants que ceux réalisés jusque-là. Il s’agit de définir toute la stratégie de développement du réseau régional et les différents projets à mener (sites de maintenance, matériel, gares, systèmes d’information, etc.). Nous accompagnons ou avons accompagné les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France, Pays de la Loire sur cette mise en concurrence et les transferts de responsabilité associés.
Quels sont les sujets importants pour les prochaines années ?
Massimo Angelini
Les années 2024-2025 seront charnières pour les projets de lignes nouvelles, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Montpellier-Perpignan, GPSO (Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest). Les infrastructures ferroviaires constituent un domaine ancien, mais en pleine évolution actuellement. Une grande partie de l’histoire reste à écrire.
Ivan Rascle
L’adaptation des infrastructures au changement climatique est aussi un sujet primordial, sur lequel nous commençons à travailler et qui va prendre beaucoup d’importance dans les années à venir. Il faut préparer les infrastructures à un accroissement de la fréquence et de l’amplitude de certains événements climatiques (inondations, canicules…), en intégrant la montée du niveau des océans.
Rédigé par Eric Robert, publié le 115 février 2024.